Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LE MAL DES ARDENTS

couchaït, la bourrait de coups de poings qui meurtrissaient ses muscles et la laissèrent endolorie, incapable d’un mouvement. Il dévissa le bouton de l’espagnolette, retira la clé de la porte, sortit, ferma à double tour et rentra dans sa chambre. Il se vit dans la glace, les yeux agrandis, le teint de plomb. Il se lava hâtivement, s’habilla, descendit. Il consulta sa montre. Quatre heures et demie. Il sortit. Le bourg dormait ; une pluie de fin de nuit automnale le transperça tout de suite et le fit grelotter. Il traversa le village, consulta les plaques indicatrices, trouva enfin ce qu’il cherchait et partit d’un pas accéléré sur la route.

Au bout de trois quarts d’heure, il arrivait à Bellecombe ; le Père Blinkine sortait de l’office et le reçut tout de suite. Bernard ouvrit la bouche, s’aperçut qu’il ne pourrait pas s’expliquer ; il avait une boule dans la gorge, il dit : « C’est grave. Viens à la Commanderie tout de suite ». — « C’est bien, répondit Abraham, en route ». Ils retournèrent par le même chemin jusqu’au pont de Faussergues. Là le moine indiqua un raccourci sur la rive du Viaur. L’eau rapide et noire coulait le long d’eux. L’indifférence, le mystère, le silence de cette nature qu’il n’avait jamais vue à une heure aussi matinale serraient le cœur de Bernard. Il dut demander à Abraham une pause de quelques minutes. Ils arrivèrent enfin et trouvèrent Mauléon et les valets qui descendaient dans la cuisine.

— Je n’ai pas pu dormir, dit Bernard, je suis allé chercher mon ami Blinkine.