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LE MAL DES ARDENTS

venir la voir jusqu’au moment où elle me chassera d’elle-même.

— C’est ce qu’il faut. Il est nécessaire que la rupture vienne d’elle : c’est la condition de la contrition.

Comme beaucoup d’hommes d’affaires de ce temps, Bernard avait toujours sur lui des feuilles de papier timbré. Sur le champ, il rédigea le contrat en double exemplaire sous seing privé. Il quitta Abraham sans vouloir remarquer sa grimace de dégoût : « Fais le beau, se dit-il, toi qui m’appelais autrefois curé, va tâter du séminaire. Et quand tu en auras assez, reviens demander ta galette au Bernard ; on verra si tu seras aussi dégoûté à ce moment-là. »

Une demi-heure après, en fermant son coffre où il avait mis en sûreté les actions, il songeait à Angèle : « Elle n’est pas perdue pour moi, nous nous retrouverons. » Vraiment le moment était trop dur, le danger grand et l’occasion belle, il en était à la chance de sa vie, il fallait pour l’instant consentir aux sacrifices nécessaires. Il pensa à Reine, il se sentit du désir pour cette enfant précieuse. Pourtant l’idée soudaine qu’Angèle pourrait ne pas l’accompagner toute sa vie, le vida de son sang. Il tomba sur un fauteuil. Mais non, Angèle était à lui, rien ne prévaudrait contre cet amour.

Sernola le surprit comme il était encore plongé dans sa méditation : « Je t’apporte un avant-projet avant d’aller plus loin, lui dit-il, je reviendrai te voir demain matin pour prendre tes instructions. » Bernard serra les papiers