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LE MAL DES ARDENTS

— La terre est assez rebelle par ici, répondit Angèle, alors les hommes la respectent.

— C’est vrai, l’homme ne violente que pour son profit. Mais vois comme ce pays a de la majesté, à vivre ainsi à son gré sans souci de nous.

Les herbages, le feuillage verni des pinèdes tissaient une tunique à peine mouvante sous les souffles du matin. Quelques roches abruptes se coupaient de paliers tout glissants d’une herbe qui en adoucissait les contours. Les premiers rayons du soleil donnaient à leur mousse une tendre couleur de rose qui émouvait le cœur. Cette paix, cette mystérieuse discipline des solitudes les pénétrait.

— Peut-être, se disait Bernard, tout cela nous eût-il paru exaltant il y a quelques mois ?

Le train s’arrêta, ils descendirent dans une solitude de craie ; la voiture commandée la veille par télégramme les attendait. Un cocher en blouse bleue, à grand chapeau de feutre velu, chargea leurs bagages.

— Eh ! leur dit-il, en tirant sur son brûle-gueule, vous menez le printemps. Regardez ce coquin de soleil qui se lève dans des draps blancs ce matin ; journée de mariés ; le temps sera joli avec un peu de vent quercynois avant midi et d’autan ce soir ; jolie chance pour tous, les bêtes vont bien trotter.

Il rassembla les guides :

— Dans trois heures, on sera à la Commanderie.