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LE MAL DES ARDENTS

pas dans l’argot des faubourgs qu’avait connu son enfance de mots assez forts pour les réprouver. La suie, l’immondice, la saloperie de l’humanité fermentaient avec âcreté ; les individus des deux sexes montraient de dégoûtantes gueules, des structures cariées. Il pensa que le physique dégradé faisait bien comprendre le moral ; les civilisés, bourgeois ou artisans, que je fréquente, se dit-il, sont aussi corrompus mais plus soignés, c’est là toute la différence. Ceux-là n’en font pas pis que je n’en ai fait dans ces quelques jours si crapuleusement employés ; et je ne suis pas pire qu’un autre. Triste chose que l’humanité. Il aspira à la solitude, il désira le renoncement.

Cependant il avait dépassé la zone, s’engageait à travers les champs. Le printemps y faisait son œuvre ; le vent et le soleil émouvaient les feuillages sensibles, déjà il s’amollissait. Un ruissellement d’herbage s’étendait à ses pieds ; les arbres d’une tendre couleur vert naissant étaient de piaillantes grappes d’oiseaux. Et en une seule minute la douceur le noya et l’espérance qui mène la jeunesse ; son cœur fondit. Si Angèle voulait !

Il retourna d’un pas vif vers la ville. Si Angèle voulait ! Elle voudrait être sa femme ; c’était le bonheur prévu ; une situation tranquille, modeste et sûre leur suffirait : il aurait toujours cette présence auprès de lui toujours ; il y pensait avec gourmandise. Ce fut alors que tout simplement se présenta l’image de François ; il n’avait plus songé à son camarade ; or celui-ci allait être fiancé à Angèle ; il