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LA JEUNESSE DE RABEVEL

ment ce n’est pas le Pérou ; si vous étiez marié ça ne s’appellerait pas une fortune. Mais celle-ci viendra si vous tenez ce que vous promettez ; d’ailleurs, je pense d’ores et déjà à certain mariage qui, peut-être… Il est permis d’anticiper… vous voyez qui je veux dire, Blinkine, la petite Orsat ? tout le groupe rappliquerait ; le vieux a la majorité du Syndicat des porteurs d’actions des Carrières du Centre, c’est intéressant. Et pour vous, jeune homme, inespéré ; riche mariage, situation fort belle, vous seriez en selle. Enfin c’est à voir.

Il n’attendit pas l’assentiment de Bernard, la question était réglée pour lui. Il s’entretint d’autre chose avec les convives. Le jeune Rabevel, après le repas, calé dans un fauteuil confortable, admirait furtivement le mobilier massif, l’argenterie, tout le luxe cossu et commode, les tapis moelleux, les draperies, les tableaux aux murs.

— J’ai fait une folie, disait Blinkine, ces Impressionnistes, J’ai payé ça jusqu’à mille francs. On dit que c’est pourtant un bon placement.

— Sûrement, répondit le « marquis », car c’est dégueulasse (il ne craignait pas l’argot) et tout ce qui est dégueulasse prospère. D’ailleurs tout ce qui concerne l’imbécilité ou le vice des hommes fait de l’argent : le jeu, l’alimentation, et le reste (il s’inclina devant Madame Blinkine pour lui faire hommage de sa réticence, du regret qu’il ressentait à n’user point, par respect pour elle, prononcer un mot malsonnant).