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LA JEUNESSE DE RABEVEL

dire, en hypocrisie véritable. Refrénés plus que jamais, ses instincts de domination et de violence n’en croissaient pas moins. Il semblait au contraire que leur ressort comprimé davantage en eût acquis plus d’énergie latente. Mais rien ne s’en révélait.

Il y eut pourtant un jour mémorable qui fit un éclat. Trois années s’étaient écoulées sur cette eau dormante et le garçon présentait pour ses treize ans une figure vive, décidée et souriante, avec à peine un je ne sais quoi de dérobé dans le regard mais qui ne frappait pas dès l’abord. Il avait de grands succès scolaires, faisait l’orgueil des siens et du quartier. Un soir qu’il montait à sa chambre, il vit dans l’ombre du palier du troisième étage Tom, le chien de Goldschmidt, le fabricant de chapeaux, accroupi et comme à l’affût. Il se rappela tout-à-coup que sa grand’mère avait raconté qu’on trouvait depuis quelque temps les chats du voisinage les reins cassés, aux abords de l’immeuble ; il se cacha au détour de l’escalier après avoir baissé la flamme du quinquet. Le chien ne bougeait pas et regardait fixement dans une certaine direction ; Bernard suivant son regard aperçut, dans la porte de l’escalier de secours, une chatière nouvellement percée. Au bout d’un moment, un matou, sans méfiance, parut ; il flaira l’atmosphère, agita un instant la queue assez nerveusement et comme perplexe, fit quelques pas et s’arrêta ; à cet instant, d’un bond silencieux, Tom fut sur lui et, avant qu’il eût poussé un cri, le chat gisait, l’épine dorsale brisée d’un coup de