Page:Lucile de Chateaubriand, ses contes, ses poèmes, ses lettres.djvu/24

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fois, se pliait avec une grâce languissante et noble. Une magnifique chevelure noire couronnait son visage pâle. Mais aucune joie n’animait sa beauté. Tout l’affligeait. À dix-sept ans, elle désespérait de la vie et soupirait après le cloître, comme après l’inconnu. Il fallait son intelligence et sa beauté pour donner du charme à ses dégoûts de fille ignorante. Les lents désespoirs que les êtres jeunes traînent dans le train ordinaire de la vie prennent forcément une allure de bouderie monotone et prétentieuse. Mais Lucile avait, pour relever ses mélancolies quotidiennes, la fierté des Chateaubriand, une âme profonde, et un génie plus voisin de l’âcreté que de la fadeur. Sa maladie était de celles qui ne mordent que sur les natures d’élite. Il y a des infirmités rares pour les organismes supérieurs. Lucile était profondément atteinte. La crise éclata ; ses troubles nerveux produisirent des effets étranges. Elle eut des songes dont la lucidité étonna ceux qui l’entouraient. Elle s’asseyait la nuit, éveillée ou endormie, dans