Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/169

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explosions terribles ; elle anime les feux souterrains, parce que, dans sa chute, elle agite l’air, et fait la fonction des soufflets de forge. Enfin elle peut concourir aux ébranlements de la terre, par les excavations qu’elle fait dans son intérieur, par les couches qu’elle entraîne après les avoir détrempées, et par les chutes et les écroulements qu’elle occasionne.

v. 849 Esse apud Hammonis fanum fons luce diurna
        Frigidus, et calidus nocturno tempore fertur.

Quinte-Curce décrit ainsi cette fontaine, liv. iv, ch. 7 :

« Au milieu de la forêt d’Ammon se voit une fontaine qu’on appelle l’Eau du soleil. Au lever de cet astre, elle est tiède ; à midi, lorsque la chaleur est au plus haut degré, elle devient très-fraîche ; à mesure que le jour décline, elle s’échauffe, de manière qu’à minuit elle est presque bouillante ; et plus l’aurore s’approche, plus l’eau perd de sa chaleur, jusqu’à ce qu’au matin elle retrouve sa tiédeur accoutumée. »

v. 880. Frigidus est etiam fons…… Cette fontaine est celle de Jupiter Dodonien, et Pline la décrit en ces termes, Hist. Nat., liv. II, ch. 103 :

« La fontaine de Jupiter, à Dodone, quoique assez froide pour éteindre les flambeaux allumés qu’on y plonge, a pourtant la propriété de les rallumer quand on les en approche. »

v. 908. … Lapis hic ut ferrum ducere possit,
        Quem Magneta vocant patrio de nomine Graiei.

L’aimant fut et dut être longtemps une merveille pour les hommes. Les anciens n’avaient trouvé cependant qu’une partie de ses propriétés ; elles sont si connues, qu’il est inutile d’en offrir l’explication : je remarquerai seulement qu’au temps de Lucrèce, une partie de l’enthousiasme pour cette pierre existait encore ; c’est à cette raison qu’on doit attribuer la peine qu’il se donne d’en expliquer si longuement la nature et les effets. Cependant les commentateurs reconnaissent qu’une partie de ce passage a été supprimée ; et en effet Lucrèce, après avoir accumulé tant de notions préliminaires, semble atteindre la conclusion un peu brusquement. Le Blanc de Guillet, s’appuyant sur les réflexions de Gassendi, a imaginé de suppléer à la lacune qu’il croyait remarquer dans Lucrèce par des vers latins de sa façon, qu’il a interpolés dans le texte publié en 1788. L’entreprise était bizarre et hardie ; malheureusement Apollon ne favorisait pas plus ce poëte en latin qu’en français. Loin de chercher à ajouter des vers à cette partie du poëme, il faudrait souhaiter que Lucrèce fût arrivé plus promptement à l’admirable épisode qui termine ce dernier chant.

« Épicure, dit Creech, expliquait la force magnétique de deux manières. Il est étonnant que Lucrèce n’en donne qu’une. Il se peut pourtant qu’il les ait données toutes les deux, et qu’il s’en soit perdu une par la négligence des copistes. »

Voici un passage où Gassendi développe l’idée de Lucrèce sur le magnétisme :

« Ipsum Galenus ita refert, a lapide quidem Herculeo, ferrum ; a succino vero paleas attrahi, etc. Quippe effluentes atomos ex lapide illo ita figuris congruere cum illis, quæ ex ferro effluunt, ut in amplexus facile veniant. Quamobrem impactas utrinque (nempe in ipsa tam lapidis, quam ferri corpora concreta) ac resilientes deinde in medium circumplicari invicem, et ferrum simul pertrahi. Sic Epicurus apud illum. Haud abs re vero insinuavi præmissa illa a Lucretio videri huic modo potissimum accommodata. Imprimis enim, juxta ipsum, constabunt, tam magnes, quam ferrum, ex corpusculis consimilibus, consimiliaque etiam inania spatiola habebunt ; et maxime quidem quum, ut Alexander subolfecit, et ipsi alibi dicimus, magnes et ferrum ex eadem sint vena. Quare et effluentes ex magnete atomi, quum in ferrum incurrent, ita subibunt ejus substantiam, ut consimilibus hærentes, partim resiliant, cohærentesque abducant ; partim hæ alias exsilituræ ipsas compellant, et consequantur : adeo ut, quum reciproce atomi, ex ferro incurrentes in magnetem simile quid præstent, necesse sit atomos utrimque partim regredientes, sed implicitas tamen, in medium confluere, et propter cohæsionem utrarumque cum iis exquibus ipsæ magnetis et ferri in medium coire. Et dicitur tamen, aut censetur ferrum ad magnetem potius, quam magnes ad ferrum accedere, ex communi usu, vulgaribusque experimentis, quibus lapidi magnæ molis, aut manu detento, ferri frustula apponuntur : ita nimirum necesse est, ut, quia vel major ex magnete quam ex ferro emanat vis, vel lapis cohibetur vi ne ad ferrum properet, idcirco ferrum non in medium solum, sed in manetem etiam immotum feratur ; nequicquam certe Alexander requirit ex antiquis illis, cur, si effluxus mutui veri sunt, non tam magnes ad ferrum, quam ferrum ad magnetem tendat ? quippe si ipse rem explorasset, sese id absurde quærere novisset. »

(Gassendi, Op., t. ii, p. 125.)