Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/414

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ron. Allez, et rendez les derniers devoirs à ces nobles âmes, à ces guerriers, dont le sang nous donne une nouvelle patrie. Faisons d’abord ramener Pallas à la triste ville de Pallantée ; Pallas si brave, et qu’un funeste destin nous a ravi, pour le plonger sitôt dans les cruelles ombres de la mort ! »

Ainsi il parlait en pleurant : alors il s’avance vers le lieu (11, 30) où le corps inanimé de Pallas était gardé par le vieil Acétès, autrefois le fidèle écuyer du roi Évandre : mais à présent ce n’est pas sous d’aussi doux auspices qu’il accompagne son cher élève. Là se pressaient en foule les serviteurs de Pallas, les Troyens, les femmes d’Ilion éplorées, et les cheveux épars, selon la coutume. Dès qu’Énée fut entré sous le funèbre vestibule, toutes se meurtrissant le sein, poussèrent au ciel d’immenses gémissements, et tout le palais mugit de leurs cris lamentables. (11, 39) En voyant la tête du beau Pallas mollement appuyée, et ce visage encore charmant, et cette blanche poitrine ouverte par le fer ausonien, Énée s’écria, les yeux baignés de larmes : « Fallait-il donc, malheureux enfant, que la fortune qui souriait à mes armes m’enviât la douceur de te voir jouir de ma royauté nouvelle et de te ramener triomphant sous le toit paternel ? Ce n’était pas là ce que j’avais promis à Évandre ton père, en me séparant de lui ; et lorsque, me pressant dans ses bras, il m’envoyait à la conquête d’un grand empire, et m’avertissait avec terreur que j’allais chercher d’intrépides ennemis, combattre une rude nation. Peut-être en ce moment, trop charmé d’une vaine espérance, (11, 50) il fait des vœux et charge d’offrandes les autels ; et nous pleurant ce jeune homme sans vie, et qui n’a plus à s’acquitter envers les dieux, nous l’environnons de vains honneurs. Malheureux père, tu verras les cruelles funérailles de ton fils. Voilà ce retour heureux, voilà ces triomphes que tu attendais ; voilà cette grande foi que tu as eue dans ma parole. Mais du moins, Évandre, tu ne le reverras point percé de blessures honteuses ; et ton fils sauvé, mais infâme, ne te fera point désirer de mourir d’une mort amère. Ô Italie, quelle force tu perds ! quel appui tu perds, ô Ascagne ! »

Ainsi Énée pleurait Pallas ; alors il ordonne qu’on emporte ses restes misérables, (11, 60) et il détache de toute son armée mille hommes, qui devaient accompagner la pompe funèbre, et mêler leurs larmes à celles d’Évandre : faible consolation pour une si grande douleur, mais due à un si malheureux père. Aussitôt, entrelaçant le lierre et les flexibles branches de l’osier, ils en forment un doux cercueil, et, le lit funèbre ainsi dressé, ils le couvrent d’un frais voile de feuillage. Au haut de cette couche rustique ils étendent le jeune guerrier. Ainsi la fleur cueillie par la main d’une jeune fille, ou la molle violette, ou l’hyacinthe languissante, (11, 70) n’a pas encore perdu son éclat et sa beauté ; mais la terre sa mère ne la nourrit ni ne la soutient plus. Alors Énée fait apporter deux vêtements de pourpre brodés d’or, qu’autrefois la Sidonienne Didon avait façonnés pour lui de ses mains complaisantes, et tissus des fils les plus délicats : de l’un d’eux, triste et dernière parure, il