Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/461

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les fontaines, les verts réduits des bois, les pâturages ; et que les airs vaporeux emportent mes paroles. » Il dit, et s’évanouit en exhalant ce triste et dernier adieu. Soudain une vive inquiétude saisit le berger, et son insouciance l’abandonne ; le cœur en proie à une profonde angoisse, il ne peut supporter plus longtemps la douleur que lui cause la mort du moucheron, et qui se répand dans tous ses sens. Ramassant tout ce que la vieillesse lui a laissé de forces (et ces forces ont suffi pour combattre et exterminer un effroyable ennemi) (389) il s’évertue, et va former au bord d’un ruisseau, sous un verdoyant couvert, une secrète enceinte ; Il a recours au manche du soc pour détacher de la verte pelouse une masse de gazon. Achevant ensuite la tâche commencée, dans son ingénieuse reconnaissance il replace la terre, comble la fosse ; et, sous ses mains qui le façonnent, grandit le tertre circulaire : il taille en pierre sépulcrale le marbre qu’il polit, et en entoure la tombe, monument d’un regret éternel. Là grimpe l’acanthe ; là s’épanouit la rose purpurine ; là se mêlent les violettes diverses, le myrte de Sparte, (400) l’hyacinthe, le safran que produisent les champs de Cilicie, le laurier, honneur croissant de Phébus ; là le laurier-rose, et le lis, et le romarin qui a sa place marquée dans nos bosquets, et l’herbe qui imite le précieux encens au pays des antiques Sabins, et le souci, et le lierre luisant aux pâles grappes, et le socque qui rappelle le nom du roi de Libye ; là des amarantes, le buphthalme vert, le pin toujours fleuri, et cette fleur qui fut Narcisse, lorsque sa propre beauté l’enflammant d’amour, il brûlait de se posséder lui-même, (410) et toutes celles que renouvelle la saison printanière. Au milieu d’elles se perd l’humble tombeau ; à sa surface est tracée l’épitaphe, et voici ce que disent les lettres en leur muet langage :

Petit moucheron, le vieux pâtre reconnaissant te rend ces honneurs des morts, en retour du bienfait de la vie.






L’AIGRETTE.

À MESSALA.

(1) Oui, quoique l’amour de la gloire ait agité de mouvements divers mon cœur désenchanté, et que l’expérience m’ait appris combien sont vains les prix que décerne la foule menteuse ; quoique le bocage cécropique, d’où s’exhalent dans les airs tant de suaves parfums, m’enlace dans les ombrages verts et fleuris de l’arbre de la sagesse ; quoique mon Érato, qui aspire à des chants dignes d’elle, se passionne pour d’autres travaux, y prépare son cœur, et, planant par delà les vastes espaces du monde, au plus haut de l’Empyrée, ose gravir des pentes où tous redoutent de s’aventurer, je ne renoncerai pas à mettre à fin ma tâche commencée, à remplir le doux engagement qui me lie. (10) Veuillent les dieux que mes muses, libres enfin, se reposent, et abandonnent doucement pour les loisirs leurs aimables goûts !

Si je pouvais, par de merveilleux accents, proclamer les hautes vérités ; si je pouvais, heureux de te plaire, en répandre l’écho à travers les siè-