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Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/503

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ils s'avancent ployés sur leurs genoux tendus ; ils entrent dans la mer, reprenant haleine et réglant leurs pas aux cris cadencés du matelot, aux accords harmonieux de la lyre d'Orphée ; puis ils dressent des autels sur la rive. À toi, souverain des mers, (1, 189) les premiers honneurs ; à toi, à Glaucus, aux Zéphyrs, Ancée immole un taureau paré de bandelettes azurées, et à Téthis une génisse. Nul mieux qu'Ancée n'abat sous la hache le col épais des victimes. Jason prenant une coupe fait trois libations au dieu des mers, et dit : « Ô toi qui d'un signe ébranles l'écumeux empire, qui embrasses de tes ondes le globe entier, pardonne-moi. Seul de tous les humains, je vais, je le sais, tenter une route qui leur est interdite, et mériter ta colère ; mais on m'en fait une loi, et je n'ai pas le fol orgueil de vouloir entasser des montagnes, pour ravir la foudre au puissant Jupiter. (1, 200) Sois sourd aux vœux de Pélias, de cet homme qui conçut l'idée barbare de m'envoyer à Colchos, pour me perdre avec mes compagnons. Je le... Reçois seulement sur tes flots apaisés Jason et son vaisseau chargé de rois. » En disant ces mots, il couvre le brasier de lambeaux arrachés aux victimes.

Le feu, vainqueur de cet amas de viandes, avait déployé sa crinière enflammée ; il montait au-dessus des entrailles palpitantes, quand tout à coup, plein du dieu qui l'inspire, Mopsus paraît sur le rivage : son aspect frappe d'horreur ; ses cheveux sont dressés sur sa tête ; ses bandelettes sont en désordre ; il agite le laurier sacré : il parle enfin ; (1, 210) sa voix est effrayante ; elle commande le silence. « Que vois-je ! S'écrie-t-il ; Neptune s'indigne de notre audace ; il convoque les dieux de la mer, cet immense sénat. Les voilà qui frémissent, qui l'exhortent à défendre les lois naturelles. Presse, ô Junon, presse ton frère dans tes bras, sur ton sein ! et toi, Pallas, n'abandonne pas ton vaisseau ; apaise ton oncle, fléchis-le. Ils cèdent enfin ; et les flots ont reçu le navire.

« Mais que d'obscurités à éclaircir ! Que signifient ces roseaux qui voilent tout à coup la chevelure d'Hylas ? Pourquoi cette urne sur ses épaules ? Pourquoi ces vêtements azurés autour de ses membres de neige ? (1, 220) D'où te viennent ces blessures, Pollux ? Quels feux exhalent les narines gonflées des taureaux ! Des casques d'abord, puis des javelots, puis des épaules ? sortent de terre : on se bat autour de la toison. Quelle est cette femme toute dégouttante de sang, qui fend les airs sur des dragons ailés ? Qui donc égorge-t-elle ? Jason, malheureux, sauve ces enfants ! je vois un lit nuptial embrasé. »

Ces visions confuses du devin épouvantent les Argonautes et leur chef. Idmon, fils d'Apollon, qui tient de son père l'art d'expliquer les oracles des dieux, en interrogeant les flammes ou le frémissement des entrailles, ou le vol des oiseaux ; Idmon, le visage serein, les cheveux sans désordre, (1, 230) plein de l'avenir et doucement inspiré, dit à ses compagnons et à Mopsus : « Si je comprends bien l'augure d'Apollon et le premier jet de la flamme, j'entrevois une expédition pleine de périls ; mais ayons patience, et nous triompherons. Affermissez-vous donc,