Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/52

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semblables en tout. Or, si les atomes ne se ressemblent pas, il faut que leurs intervalles, leurs directions, leurs assemblages, leurs poids, leurs rencontres, leurs chocs, leurs mouvements varient ; et voila ce qui non-seulement distingue les corps animés, mais ce qui sépare même la terre des océans, et ce qui nous empêche de confondre le soleil avec la terre.

(2, 730) Maintenant, ô Memmius, recueille des paroles qui sont le fruit de mon doux travail, afin de ne pas croire que les corps dont la blancheur éblouit les yeux soient formés de blancs atomes, que les corps sombres aient des germes noirs, et enfin que toute substance doive sa couleur à des éléments colorés de même. Les éléments ne possèdent ni couleur qui ressemble, ni couleur qui ne ressemble pas à celle des corps. Si tu crois que la pensée ne peut avoir de prise sur des atomes incolores, ton esprit erre loin du vrai chemin. (2, 741) Car si les aveugles-nés, sans avoir jamais aperçu la lumière du soleil, reconnaissent dès leur enfance les corps au toucher seul, et les dépouillent de toute couleur, il est évident que la raison est capable de saisir les choses qui ne sont point enveloppées de fard. Nous-mêmes enfin, lorsque nous touchons une chose dans la nuit aveugle, nous la sentons, quoique sa couleur soit insensible.

Ce que les faits attestent, je vais le prouver. Toutes les couleurs changent, et toutes se remplacent, (2, 750) ce qui ne peut arriver aux atomes. Il faut que certains corps demeurent inaltérables, ou le néant engloutirait le monde : car tout ce qui sort de ces limites, et dépouille son être, le frappe de mort. Ainsi donc garde-toi bien de colorer les atomes, de peur que le monde ne soit anéanti.

Mais si, en leur ôtant la couleur, la nature les a doués de formes diverses qui engendrent et varient toutes les nuances ; (2, 760) si leur mélange, leur arrangement et les impulsions que tous donnent ou reçoivent, ont une haute importance, tu peux expliquer aisément et vite pourquoi des corps noirs acquièrent tout à coup une blancheur éclatante, comme la mer, dont les ondes tourmentées par le vent se couvrent de blanches écumes et de la pâleur du marbre. Car tu diras : Un corps habituellement sombre, quand ses atomes se mêlent et que leur ordre (2, 770) change, quand ils se sont enrichis ou débarrassés de quelques autres, paraît aussitôt brillant et clair. Si les éléments de la mer étaient azurés, les vagues ne pourraient blanchir : car, de quelque façon que tu bouleverses leur azur, il ne passera jamais à la blancheur du marbre.

Peut-être crois-tu que des atomes de mille couleurs produisent cet éclat pur et uniforme des flots, comme souvent un carré provient de mille figures diverses qui font une seule figure. (2, 780) Mais alors puisque nous apercevons dans le carré des for-