Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le culte sombre de Cybèle et les fanatiques transports de ses prêtres, mais que son dieu mit tout entière à la discrétion de Vénus. Ils voient de loin, en haut de la ville, les autels de ce dieu, et les insignes qui en décorent le temple. Ici les côtes s’éloignent, le ciel se déroule et agrandit ses limites ; la vue commence à planer sur un autre continent.

(2, 630) Entre le Pont-Euxin et l'Hellespont, s’élève du sein de la mer, et comme portée du fond de son lit à la surface, une presqu’île entourée de bas-fonds dangereux, et dont la croupe empiète au loin sur le domaine des flots. Elle tient à l’antique Phrygie, et se termine par une montagne couverte de pins. Près de la mer, au pied de la montagne, est une ville bâtie à mi-côte ; Cyzique est le roi de cet heureux pays. À peine a-t-il vu la voile du vaisseau thessalien, qu’il s’avance vers le rivage, contemple avec admiration les Argonautes, leur prend les mains, et, les yeux fixés sur eux, (2, 640) leur adresse ces paroles : « Héros d’Émathie, ô vous jusqu’alors inconnus dans ces parages, et dont l’aspect me confirme et au delà tous les éloges de la Renommée, ce pays n’est donc pas si éloigné, cette contrée si difficile ! L’Orient cessera donc bientôt d’être inaccessible aux nations, puisque de tels chefs, de si valeureux guerriers ont su leur en frayer la route ! Près d’ici sans doute il est une terre où vivent des peuples barbares, et la Propontide gronde sans cesse et frémit autour de nos rivages ; mais nous avons votre bonne foi, votre culte ; comme vous, la civilisation a adouci nos mœurs. Tant s’en faut que nous ayons le courage farouche des Bébryces et la religion sanguinaire des Scythes ! »

(2, 650) Il dit, et emmène les Argonautes, charmés de cette réception ; il leur fait donner l’hospitalité, et prodigue en leur honneur l’encens sur les autels. On prépare des lits enrichis d’or et de pierreries. Cent esclaves pareils et à la fleur de l’âge dressent des tables d’une magnificence toute royale ; les uns en ordonnent les mets, les autres y font circuler des coupes d’or où sont gravés les exploits récents de Cyzique. « Vous voyez ici, » dit-il à Jason, en lui présentant une de ces coupes, « le port si fatal aux Pélasges, leur troupe rassemblée pendant la nuit, leur fuite, et la flamme, lancée de ma main, qui dévore leurs vaisseaux. (2, 660) « Plût aux dieux, répondit Jason, que le désir de la vengeance ramenât ici les Pélasges, qu’ils tentassent de nouveau leurs brigandages nocturnes, et qu’ils accourussent avec toute leur flotte ! vous verriez ce que peut la valeur de vos hôtes, et le combat de cette nuit serait votre dernier combat. »

C’est ainsi, c’est dans ces épanchements mutuels que s’écoulèrent et la nuit et le jour qui lui succéda.



LIVRE III.

(3, 1) Déjà pour la troisième fois l’Aurore avait dissipé les froides ombres et éclairci le ciel. Calme, la mer attendait Tiphys. Les Argonautes quittent la ville, suivis de la foule des habitants, qui ne peuvent se détacher de leurs hôtes si chers, qui