Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/550

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trait sa tête avec une dextérité toute lacédémonienne. Après avoir ainsi épuisé l’ardeur et la colère de son ennemi, lui, tout frais encore, commence à se déployer peu à peu et à frapper à son tour. Alors pour la première fois on vit Amycus, trempé de sueur, fatigué, respirant à peine, ralentir son action ; ses sujets, ses compagnons l’ont méconnu à cet affaissement. Tous deux cependant reprennent haleine et se reposent. (4, 280) Ainsi s’arrêtent sur le champ de bataille les Lapithes et les Thraces, lorsqu’appuyé sur sa lance, Mars a suspendu leur choc.

À peine reposés, ils s’élancent de nouveau. Les cestes se heurtent et retentissent ; on dirait un nouvel assaut et d’autres athlètes. L’un est animé par la honte, l’autre par l’espoir, et la connaissance plus éprouvée de son adversaire. Les poitrines fument sous les coups redoublés ; l’écho des montagnes redit leurs gémissements : ainsi lorsqu’au sein des nuits et sous la surveillance de Vulcain, les Cyclopes forgent la foudre, les cités retentissent du battement des enclumes.

Cependant Pollux se dresse, et lève la main droite dont il menace (4, 290) Amycus ; le Bébryce, qui attend le choc, y dirige ses yeux, y porte sa défense ; tout à coup son rival le frappe de la main gauche au visage. Les Argonautes poussent des cris de joie. Troublé par cette feinte inattendue, Amycus devient furieux ; Pollux effrayé lui-même, mais présumant bien de sa ruse audacieuse, se remet sur la défensive et laisse passer l’orage. Amycus éperdu ne connaît plus de frein ; il se précipite au hasard et fond avec acharnement (car il voyait de loin triompher les Argonautes) sur son ennemi, en se couvrant à la fois de ses deux cestes. Pollux se baisse, passe au milieu, (4, 300) se pose rapidement en face du barbare, et, bien qu’il espérât de le frapper au visage, il lui décharge ses deux poings dans la poitrine. Celui-ci, de plus en plus furieux, agite vainement dans les airs ses bras mal dirigés. L’autre le voyant hors de lui, prête le flanc, serre les genoux, suit de l’œil le Bébryce qui perd l’équilibre, et, sans lui donner le temps de se remettre en garde, le pousse, le presse, et l’accable à loisir de cent coups répétés. Criblée de blessures, la tête d’Amycus craque, se penche, et cède à la violence de la douleur ; le sang jaillit des tempes et inonde ses oreilles ; encore un dernier coup, (4, 310) et le lien qui rattache la tête à la première vertèbre est brisé. Le héros pousse ce corps chancelant, et y posant le pied : « Je suis, dit-il, Pollux d’Amyclée, fils de Jupiter ; va le dire aux ombres étonnées, et que ta tombe en rappelle à jamais le souvenir. »

Soudain les Bébryces fuient et se dispersent. D’ailleurs peu touchés de la mort de leur roi, ils gagnent les bois et les montagnes. Tel fut le sort, telle fut la main qui punirent Amycus, le farouche gardien du Pont, plein du fol espoir d’une éternelle jeunesse, et, comme son père, se croyant immortel. (4, 320) Naguère l’effroi des humains, il gît étendu sur le sol dont il couvre un espace immense, pareil à un débris détaché de l’Éryx, ou même à l’Athos tout entier. Le vainqueur ne peut se rassasier de voir cette masse énorme ; longtemps il y fixe ses yeux, immobiles d’étonnement. Mais