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DE LA NATURE DES CHOSES

Les mots semblent ici confirmer la Nature :
920Malgré les traits communs à leur double structure,
Nous ne confondons pas « ligneux » avec « igné ».
Si, contre l’évidence en l’erreur obstiné,
Tu veux, assimilant le principe à la chose,
Confondre les objets et ce qui les compose,
C’en est fait à jamais des corps primordiaux.
Je crois voir la Nature entrer dans le chaos
Et mêler au hasard sur sa face en délire
L’amertume des pleurs au tremblement du rire.

En marche, maintenant ; et puissent mes leçons
Éclairer pour toi l’ombre où nous nous enfonçons !
Il faudra, je le sais, disputer la victoire.
Mais, frappant ma poitrine, un grand espoir de gloire
De son thyrse magique a fait vibrer mon cœur.
Fort du suave amour des Muses, sans terreur
J’entre en ces régions que nul pied n’a foulées,
Fier de boire vos eaux, sources inviolées,
Heureux de vous cueillir, fleurs vierges qu’à mon front,
Je le sens, je le veux, les Muses suspendront,
Fleurs dont nul avant moi n’a couronné sa tête,
940Digne prix des labeurs du sage et du poëte
Qui, des religions brisant les derniers nœuds,
Sur tant de nuit épanche un jour si lumineux !

Et qui nous blâmera, si par la poésie
Tout ce que nous touchons est frotté d’ambroisie ?
Je suis le médecin qui présente à l’enfant
Quelque breuvage amer, qu’il faut boire pourtant.