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LIVRE DEUXIÈME

Sa mère au front cornu. Chacun trouve et connaît,
La Nature le veut, sa mamelle et son lait.
Choisis, non entre tous, mais dans la même espèce,
Un épi ; si semblable aux autres qu’il paraisse,
Il a ses traits à lui, qui ne sont pas les leurs.
Sur le sein de la terre, ainsi, de cent couleurs
Peignant le sable mou, luisent ces coquillages
Que le flot calme laisse aux courbes des rivages.
Quel maître aux éléments défend de varier ?
Ils sont parce qu’ils sont. Nulle main d’ouvrier
Dans un moule commun n’a fondu les principes.
Je dis que leur figure admet différents types.

Et tout s’explique ainsi. Le feu du ciel, l’éclair
Subtil et pénétrant porte plus loin dans l’air
Que le nôtre, nourri de bois ou de résine.
Pourquoi ? c’est qu’il est fait de matière plus fine.
Il traverse aisément des pores trop étroits
400Pour le nôtre, épaissi de résine ou de bois.
La corne, qui ne peut arrêter la lumière,
Rejette l’eau. Pourquoi ? Texture moins grossière,
La fluide clarté passe où l’eau tombe en vain.
Du filtre en un moment nous voyons fuir le vin.
Mais l’huile est paresseuse et coule goutte à goutte.
C’est que ses éléments sont plus épais sans doute
Ou plus enchevêtrés ; leurs angles résistants
Se mêlent, sans pouvoir se séparer à temps
Pour que, dans le trajet, les atomes de l’huile
Trouvent chacun sa voie aux pores de l’argile.