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DE LA NATURE DES CHOSES

Nos éléments, pourvus de rôles inégaux,
Importent plus ou moins au salut de notre être.
C’est la chaleur et l’air, tu peux le reconnaître,
Qui, gardiens de la vie, en retiennent l’essor ;
Air vital, feu couvé dans notre sang, trésor
Qui s’envole et s’éteint quand la mort nous réclame.
Tu sais ce qu’est l’esprit, et tu sais ce qu’est l’âme :
Des organes du corps. Laisse aux chanteurs ce nom
Faute d’autre cueilli sur le mont Hélicon
Pour nommer une essence encor mal définie ;
D’où qu’elle vienne enfin, laisse aux Grecs l’Harmonie ;
Qu’ils la gardent pour eux ! Toi, viens suivre avec moi
140Le cours de ces leçons que je reprends pour toi.

J’enseigne l’unité de l’esprit et de l’âme
Je dis qu’un même fil forme leur double trame.
Mais le chef souverain, tête du mouvement,
C’est lui qu’on nomme esprit, pensée ou jugement.
Son siège est où l’angoisse et la terreur s’agitent,
Où les frissons de joie autour du cœur palpitent ;
La poitrine est son trône ; et de là, comme un dieu,
D’un signe directeur il pousse et met en jeu
L’âme éparse en tout sens dans le reste de l’être.
Parfois, avant qu’un trouble en cette âme ait pu naître,
L’esprit, seul conscient, frémit d’aise ou d’orgueil ;
Ainsi le mal qui tient notre tête ou notre œil
N’attaque pas l’ensemble ; ainsi, quand la pensée
S’exalte dans sa force ou bien languit blessée,
L’âme, trop plein du cœur dispersé dans le corps,
Souvent échappe au choc et demeure en dehors,