Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
LIVRE TROISIÈME
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Quand l’intensité croît, quand l’atteinte est profonde,
Il faut que de partout l’âme entière y réponde :
La sueur pâle court sur le corps aux abois ;
160La langue brusquement s’embarrasse ; la voix
Tombe, l’oreille tinte et l’énergie expire.
Si donc l’esprit sur l’âme exerce un tel empire
Qu’on a vu ses terreurs terrasser les plus forts,
Si l’âme à son appel pousse et frappe le corps,
C’est que tous deux sont joints par une étroite chaîne.

Autre conclusion qui n’est pas moins certaine :
Tous deux sont corporels, puisqu’ils meuvent le corps.
Ils gouvernent tout l’homme, ils tendent ses ressorts,
Le tirant du sommeil, lui faisant son visage,
Tous faits du toucher tu reconnais l’ouvrage.
Sans toucher, point de choc ; sans corps, point de toucher ;
À cet enchaînement tu ne peux t’arracher.
Confesse donc que l’âme et l’esprit sont matière ;
Le corps d’ailleurs contient leur force tout entière ;
Ce qu’ils font, c’est en lui, c’est par lui qu’ils le font.
Lorsqu’un trait furieux pourfend les os et rompt
Les muscles sans atteindre aux sources de la vie,
À l’amère langueur dont la chute est suivie,
À la prostration, succède un chaud désir,
180Vague effort de l’esprit qui veut se ressaisir.
L’intelligence est donc d’essence corporelle,
Puisque le mal du corps se répercute en elle.

Maintenant, de quels corps l’esprit se forme-t-il ?
Je vais te l’enseigner. Infiniment subtil,