Odeur, saveur, chaleur, que de secrets rapports
Amalgament si bien qu’ils ne font qu’un seul corps.
Ainsi l’air, la chaleur et l’aveugle puissance
Du vent, pour ne former qu’une même substance
S’unissent dans notre âme à l’obscur élément,
Moteur subtil, d’où part leur propre mouvement
Et d’où l’activité coule de veine en veine ;
Force présente au fond de la machine humaine,
Pivot sur qui tout porte et qui n’a rien sous lui,
Âme de l’âme enfin ! Et ce suprême appui,
Base de la pensée et racine de l’âme,
Court, invisible fil dérobant sous la trame
Ses éléments subtils et clair-semés, pouvoir
Que l’on ne peut nommer puisqu’on ne peut le voir !
C’est bien là cependant l’esprit même, le maître
Et le dominateur du corps, le fond de l’être.
Ne faut-il pas d’ailleurs qu’en ce mélange d’air,
De chaleur et de vent qui vit dans notre chair,
L’un des germes domine et sous sa loi commune
Fasse que tout se tienne et que l’âme soit une :
Pour qu’aux fuites de l’air, de la flamme ou du vent
Survive en quelque lieu le sentiment vivant ?
L’âme contient du feu, le feu que la colère
Allume au cœur, le feu dont l’œil sanglant s’éclaire ;
L’âme contient du vent, frisson avant-coureur
Qu’en nos sens ébranlés fait glisser la terreur ;
L’âme contient de l’air, onde impassible où nage
L’équilibre serein qui luit au front du sage.
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LIVRE TROISIÈME