Pour émouvoir des sens les délicats ressorts.
Car nous ne sentons point tout choc et toute chose ;
La poussière ou le fard sur nos membres se pose ;
L’haleine de la nuit nous mouille ; certains fils
Barrent notre chemin de leurs réseaux subtils ;
Il pleut sur nous d’en haut cent débris, vieilles ailes
Des insectes, duvet des oiseaux, flocons grêles
Qui tombent ralentis par leur légèreté ;
De mille êtres rampants notre corps est hanté ;
Les pieds des moucherons n’y laissent pas d’empreinte ;
Et de tous ces contacts il ne sent pas l’atteinte.
Tant d’atomes épars dans le tissu vivant
Doivent être avertis et mis en branle, avant
Que les germes de l’âme à travers les distances
Aient pu se renvoyer ces chocs, ces résistances
Et nouer ces accords d’où naît le sentiment !
Mais l’esprit plus que l’âme a le gouvernement
Et dispose des clés des portes de la vie.
Sitôt que la pensée est aux membres ravie,
Pas un atome d’âme attardé dans le corps
Qui résiste un moment. Docile, sans efforts,
L’âme suit la pensée et s’échappe avec l’être,
Laissant le corps au froid dont la mort le pénètre.
Le souffle obstiné reste où l’esprit est resté.
Mutilé, démembré, plus qu’à demi quitté
Par l’âme qui s’enfuit de ses veines ouvertes,
Le tronc vit ; l’air vital répare encore ses pertes.
Si peu d’âme qu’il garde, il s’y cramponne au bord
De la vie et résiste à l’assaut de la mort.
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LIVRE TROISIÈME