Ne te dis-tu jamais : Il est mort, le bon roi
Ancus, le sage Ancus, qui valait mieux que moi,
Et pour jamais au jour ses paupières sont closes !
Ils sont morts, ces puissants et ces maîtres des choses
Qui gouvernaient jadis de grandes nations.
Celui qui sur les flots lança nos légions,
Qui vers la haute mer leur ouvrit une route,
Qui, des gouffres salés foulant du pied la voûte,
Dédaigna les clameurs de l’Océan vaincu,
L’âme a quitté son corps, Duilius a vécu !
Ce fléau de Carthage et ce foudre de guerre,
Scipion, s’est éteint, comme un rustre vulgaire.
Et tous ceux que Phébus nommait ses favoris,
Les inventeurs des arts, les flambeaux des esprits,
Ils reposent en paix avec leur prince Homère.
Sentant baisser le flot de la vie éphémère,
Démocrite averti s’empressa vers le port,
De lui-même inclinant son front mûr pour la mort.
Et le sage sans pair, le divin Épicure,
N’a-t-il pas dû céder au cours de la nature,
Ce mortel devant qui le reste était pareil
Aux astres de la nuit en face du soleil ?
Et ces cris, ces regrets, c’est toi qui les exhales,
Atome dont la vie et la mort sont égales !
Ta vie existe-t-elle ? En sommeil tu la perds.
De songes harcelé, tu dors les yeux ouverts.
Sans trouver à tes maux ni cause ni remède,
Sous l’assaut des terreurs dont la meute t’obsède,
Ivre d’anxiété, tu flottes au hasard.
Et c’est toi, vain jouet, qu’indigne le départ ?
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LIVRE TROISIÈME