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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/200

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DE LA NATURE DES CHOSES

Ah ! si l’homme cherchait à savoir d’où lui tombe
Ce poids qu’il sent en lui, sous lequel il succombe,
L’origine des maux dont l’étouffant souci
Sur sa poitrine amasse un fardeau sans merci,
Le verrait-on ainsi douter, désirer, craindre,
Sans savoir ce qu’il veut, ce qu’il ne peut atteindre ?
Croit-il, en l’agitant, alléger le fardeau ?

L’un sort de son palais qui lui semble un tombeau,
Puis y rentre soudain, et toujours y rapporte
Cet ennui qu’il fuyait et qui veille à sa porte.
L’autre part au galop, jouant de l’éperon,
Comme si sa villa fumait à l’horizon.
À peine au seuil, il baille, et dans sa lourde sieste
Cherche l’oubli menteur d’un souvenir funeste ;
Ou pour Rome aussitôt ventre à terre il repart.
Ainsi chacun se fuit partout, et nulle part
Ne se peut éviter, prisonnier de soi-même,
Malade à qui son mal reste un obscur problème.
Ce mal, c’est la terreur de ce qui suit la mort.
1100Ah ! laissez les plaisirs stériles ! Et d’abord
Fouillez, interrogez la Nature des Choses
Qui seule de ce mal peut écarter les causes.
Car il s’agit, non pas de ce jour tourmenté,
Mais du repos sans fin et de l’éternité.

Et quel si grand amour d’une inquiète vie,
Enfin, à tant de soins, de troubles, nous convie ?
Notre essor est borné par un terme certain,
Et nul ne se dérobe à l’arrêt du destin.