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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/201

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LIVRE TROISIÈME

Nous tournons sans issue, enfermés que nous sommes,
Et le cercle est étroit. Depuis qu’il est des hommes,
Aucun plaisir nouveau n’a paru sous les cieux.
Mais le bien qui nous manque est sans prix à nos yeux ;
L’atteignons-nous ? Soudain quelque autre nous appelle
Et nous laisse béants d’une soif éternelle,
Inquiets, épiant au fond du temps obscur
Les présages douteux de notre sort futur.

Vaine et stérile fièvre ! Est-ce que par la vie
Une ombre de durée à la mort est ravie ?
Serons-nous moins longtemps rien ? Que peut notre effort,
1120Jeté dans la balance où l’éternité dort ?
Vivrions-nous cent ans, mille ans, vingt siècles même,
Ferions-nous une rive à l’abîme suprême ?
Pour le mort séculaire et pour le mort d’un jour,
Égal est le néant, sans borne et sans retour !