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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/225

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LIVRE QUATRIÈME

La voix rase de près le gosier qui la lance ;
Au larynx irrité le cri fait violence ;
Les éléments vocaux, dont la foule s’accroît,
Se poussent pour sortir dans le canal étroit :
Leur flot remplit les bords de l’issue et les frappe,
Et lèse les conduits par où la voix s’échappe.
Puis donc que pour blesser leurs chocs sont assez forts,
Il faut que la parole et le cri soient des corps.
Tu n’es pas sans savoir tout ce qu’enlève à l’homme,
Ce que d’ardeur nerveuse et de force consomme
L’entretien prolongé, sans relâche conduit
Du lever de l’aurore au tomber de la nuit ;
Surtout quand la parole à grand fracas ruisselle.
Cette voix est donc bien d’essence corporelle,
Puisqu’à la prodiguer le corps humain décroît.

560Les figures des sons que l’oreille perçoit
Ne se ressemblent pas, lorsque, mâle et profonde,
La trompette rugit gravement, ou que gronde
La corne recourbée aux rauques hurlements,
Et quand le cygne auguste en doux gémissements
Aux frais vallons du Pinde exhale sa voix pure.
Les atomes rugueux font la voix âpre et dure ;
D’éléments arrondis naissent les doux accords.

Le son que nous tirons de notre propre corps,
Auquel la bouche ouverte offre un libre passage.
La langue, ce mobile artisan du langage,
L’arrête et l’articule en mots, dont le concours
Des lèvres détermine et finit les contours.