De temps en temps il montre en eux l’allégorie, l’invention humaine, et à ce titre il consent à employer leurs noms. C’est la conclusion d’un célèbre passage du livre II :
Commençons par la terre. Elle enferme en ses flancs
La source de ces eaux dont les tributs roulants
Renouvellent la mer immense ; elle recèle
La flamme qui du sol par cent bouches ruisselle,
Ces feux que des Etnas vomissent les fureurs ;
Elle possède enfin les semences des fleurs
Et des blondes moissons, les germes des feuillages
Mouvants, des fruits heureux et des frais pâturages,
De quoi sustenter l’homme et les bêtes des monts.
Ce n’est donc pas à tort que nous la proclamons
Mère auguste des dieux, des hommes et des êtres,
Et qu’elle est apparue, aux chantres grecs, nos maîtres,
Haut montée en un char traîné par deux lions…
Suit la peinture des fêtes de Cybèle et un essai d’explication symbolique de ses attributs ; et le poète a soin de faire observer que, si bien imaginés soient-ils, le culte et la déesse sont également répudiés par la saine raison. Ceci entendu, il ne veut pas contrarier ceux qui appellent la mer Neptune et les moissons Cérès, et qui préfèrent le mot Bacchus au terme propre, vin ou liqueur. De même il permet qu’on donne à l’orbe terrestre le titre de mère des dieux, « pourvu qu’on sache que cela n’est pas ».
Il est impossible d’affirmer plus fortement le néant de la divinité, de nier plus explicitement les entités métaphysiques. Lucrèce en connaît le danger ; et, de tous les bienfaits dont il remercie son maître Épicure, aucun ne revient plus volontiers sous sa plume que