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LIVRE CINQUIÈME

Ainsi, quand vient l’été, la cigale nouvelle
Dépouille son fourreau de chrysalide et fuit,
Cherchant vie et pâture, où l’instinct la conduit.

La terre, mûre alors pour les races humaines,
Sous l’humide chaleur qui saturait les plaines,
Fit éclore, partout où le lieu s’y prêtait,
840Des bourgeons qu’en ses flancs leur racine implantait,
Ovaires qu’à son heure ouvrit l’effort du germe.
La Nature, aussitôt que l’embryon à terme,
Las de sa gaine tiède, à l’air libre aspirait,
Par cent canaux ouverts lui prodiguait un lait
Que les pores du sol versaient comme des veines.
Ainsi la jeune mère à ses mamelles pleines
Sent affluer en lait le suc des aliments.
L’air moite aux nouveau-nés servait de vêtements ;
Sur le lit ondoyant de l’épaisse verdure,
La terre leur offrait la douce nourriture.
Les frimas, les chaleurs torrides, les autans
Furieux, épargnaient le monde en son printemps ;
Car il faut, c’est la loi, que tout naisse et grandisse.
Je le répète donc, la terre est la nourrice,
La mère : un tel nom sied à celle dont le sein,
Presque d’un même effort, créa le genre humain
Et tous les animaux divers, ceux des campagnes,
Et ceux dont la fureur s’ébat sur les montagnes,
Et ceux qui de leur vol fendent l’immensité.

860Mais le temps met un terme à la fécondité.
L’âge épuise la femme ; et, lasse d’être mère,