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LIVRE SIXIÈME
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Et lorsque, de nuage en nuage tombée,
Par une épaisseur d’eau la foudre est absorbée,
À grand fracas éteint, le glaive de l’éclair
Siffle, comme au sortir des fournaises le fer
Que dans l’onde glacée on trempe rouge encore.
Si le nuage est sec, la foudre le dévore ;
Il s’embrase d’un coup et mugit en crevant.
160Tel, porté par le souffle impétueux du vent
Sur la cime d’un mont que le laurier couronne,
Le feu dévastateur pétille et tourbillonne.
Rien plus lugubrement ne craque et ne se plaint
Que l’arbre d’Apollon par l’incendie étreint.

Souvent dans les hauteurs nuageuses crépite
La glace, que la trombe en grêle précipite,
Quand l’aquilon pénètre et disloque l’amas
Des brouillards qu’en montagne ont raidis les frimas.

L’éclair jaillit du choc. Les nuages recèlent
Des semences de feu qui de leurs flancs ruissellent.
Tel le caillou heurté par la pierre ou le fer
Lance un jet pétillant d’étincelles. L’éclair
Arrive aux yeux plus tôt que le bruit à l’oreille.
Tous deux partent ensemble et leur route est pareille,
Mais l’image toujours vole en avant du son.
Suis du regard au loin le fer du bûcheron :
Tu verras, quand la hache entrera dans le chêne,
Le coup reluire avant que le son te parvienne.
C’est pourquoi le tonnerre éclate après l’éclair.
180Ils sont l’effet d’un même ébranlement de l’air