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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/318

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DE LA NATURE DES CHOSES

Tant qu’il n’est pas sorti de l’étroit défilé.

Parfois aussi le ciel, par la foudre ébranlé,
Tressaille, et l’on dirait qu’une mine profonde
Fait sauter en débris les murs du vaste monde.
C’est qu’un amas venteux, tourbillon véhément,
Dans le nuage ouvert tout à coup s’enfermant,
Tord, comprime, épaissit les vapeurs et se creuse
En leurs flancs bourrelés une outre ténébreuse,
Refuge où croît sa force, antre que sa fureur
Soudain effondre avec un fracas plein d’horreur.
Telle, cédant à l’air dont l’effort la dilate,
Avec un bruit subit une vessie éclate.

La rumeur de la nue est pareille à ces voix
140Que la course des vents dans l’épaisseur des bois
Arrache au sombre amas des feuilles remuées.
Mille rameaux touffus hérissent les nuées,
Et l’aquilon se joue en ces forêts des cieux.

Il peut se faire aussi qu’un choc impétueux
Crève directement la nue et la pourfende.
Tu vois les vents, sur terre, où leur force est moins grande,
Déraciner les pieds du chêne au fond du sol,
Que sera-ce là haut ? rien n’y borne leur vol.

Le nuage a ses flots ; et l’onde en brisant l’onde
Murmure je ne sais quelle plainte profonde,
Comme en ont ici-bas, fouettés par l’ouragan,
Les fleuves spacieux et l’énorme océan.