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DE LA NATURE DES CHOSES

Elle passe à travers les murailles ; la pierre,
L’airain même, est contre elle une vaine barrière.
À son souffle le cuivre et l’or fondent soudain.
240Le vase quelquefois reste entier, mais le vin
S’est enfui : la chaleur, pénétrant dans l’amphore,
Dilate et raréfie, et le vin s’évapore,
Filtrant par les contours que la foudre distend.
Un siècle de soleil n’en ferait pas autant.
Telle est l’intensité, la force sans égale,
Indomptable, des feux que la tourmente exhale.
Mais quelle cause enfin précipite leur cours ?
D’où sort ce jet brûlant qui d’un coup fend les tours,
Arrache les chevrons, les combles, pousse, rase
Les palais, démolit les monuments, écrase
Les hommes, dans les champs couche morts les troupeaux,
Et déchaîne sur nous ce déluge de maux ?
J’y viens, sans plus tarder à remplir ma promesse.

C’est des sombres amas de la nuée épaisse,
Non des flocons légers dans un ciel pur épars,
Que la foudre jaillit. Qui n’a de toutes parts
Vu les brumes presser leurs bataillons funèbres ?
Qui n’a cru bien souvent que toutes les ténèbres
Allaient, quittant les bords des fleuves des enfers,
260Remplir les profondeurs des cavernes des airs ?
Si lugubre est la nuit, si morne est le visage
Que sur nous l’épouvante incline, quand l’orage,
Prêt à lancer la foudre, aiguise les éclairs !

Souvent, fleuve de poix coulant des cieux aux mers,