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LIVRE SIXIÈME

Les tremblements de terre ont aussi leurs raisons
Naturelles. Avant d’en sonder le mystère,
Conçois bien que, dessous comme dessus, la terre,
Pleine de vents, de lacs, d’antres, porte en ses flancs
Des vides spacieux et des rochers croulants ;
Des fleuves enfouis sous son vaste dos coulent.
Et ses débris s’en vont en des flots qui les roulent.
Partout elle est la même ; et cela va de soi.
De là ces soubresauts terribles, dont l’émoi
Monte des profondeurs et s’étale en désastres,
Quand des cavernes l’âge a sapé les pilastres.
Il tombe alors des monts tout entiers ; et, rampant
Dans l’ombre, la secousse en tous sens se répand.
Pourquoi non ? L’humble poids d’un chariot qui passe
Ne fait-il pas vibrer les maisons et l’espace ?
Et les murs, quand le char court sur l’arène, au pas
560Des vigoureux coursiers ne tressaille-t-il pas,
Secoué par le fer dont la roue est armée ?

Parfois, dans une mer souterraine abîmée,
Quelque tranche de terre immense, brusquement,
De vétusté s’affaisse ; et, sous le mouvement
Des eaux, le globe ému vacille. Tel un vase
Qu’on emplit, se soulève et frémit sur sa base,
Tant que le flot qui tombe ondule entre ses bords.

Il se peut que, soudain concentrant ses efforts,
L’ouragan prisonnier dans les cavernes fonde
Sur une des parois de sa prison profonde.
Alors la terre penche où l’incline le vent,