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DE LA NATURE DES CHOSES

Et dans le même sens elle porte en avant
Les murs et les palais qui couvrent sa surface :
Plus ils sont près du ciel, plus leur faîte menace ;
Les poutres hors d’aplomb, prêtes à s’en aller,
Pendent. L’on tremble, à voir de tels blocs s’ébranler
Que l’heure n’ait sonné du désastre suprême,
L’heure où la mort attend la Nature elle-même.
Et certes, si parfois le vent ne respirait,
580Dans ce néfaste élan, quel frein le contiendrait ?
Mais il faut qu’il respire. Il prend du champ, se lance,
Retombe, et le recul use la violence.
C’est pourquoi la menace avorte bien souvent.
La terre, qui penchait, bientôt se relevant,
Reconquiert l’équilibre où son poids la ramène,
Mais tu comprends pourquoi l’action souterraine,
Aux toits moyens ou bas épargnant les assauts,
Se fait sentir surtout aux faîtes les plus hauts.

Il peut se faire encor que, venu de l’espace
Ou formé sous la terre, un tourbillon s’amasse
Dans les vides, et là, grondant, roulant au fond
Des cavernes, se rue en tumulte. D’un bond,
La force accumulée éclate et, triomphante,
Ouvre quelque soudaine et formidable fente
Où le Péloponnèse en deuil voit s’engloutir
Aegium, où périt Sidon, la sœur de Tyr.
Éruptions des vents, d’effondrements suivies,
À la clarté par vous que de villes ravies !
Que de murs, de remparts puissants, précipités
600Dans les abîmes noirs ! que d’antiques cités