penchait vers ce dernier système (I, 636-717). Anaxagore admettait autant d’éléments qu’il voyait d’espèces de corps ; pour lui, le sang était homogène et composé d’une foule de gouttes de sang, les os d’une quantité de petits os, de même pour tout objet, inerte ou vivant. Lucrèce passe en revue les divers arguments et les rétorque avec une extrême précision. Ayant constaté que tout être qui change s’anéantit, et que tout composé d’éléments muables est sujet à la mort, il en conclut que l’univers, sous peine de renaître chaque jour du néant, ce qui n’est guère possible, doit reposer sur des corps immuables. Quelles sont, maintenant, les conditions nécessaires à l’existence des agrégats ? Lucrèce les ramène à une seule, le mouvement (II, 132) :
Les éléments premiers se meuvent par eux-mêmes.
Prima moventur enim per se primordia rerum.
« Tout est dans les alliances et les mouvements divers » (I, 820, 846).
Lucrèce revient sans cesse sur cette vérité, aussi évidente à ses yeux que l’existence d’éléments immuables. Les êtres diffèrent « selon les distances, les allures, les affinités, les poids, les chocs, l’ordre, les mouvements, les positions, les figures » des corps primordiaux (II, 94-130). Nul répit pour ces germes :
Lorsqu’à travers la nuit d’une chambre fermée
Le soleil glisse et lance une flèche enflammée,
Regarde, et tu verras, dans le champ du rayon,
D’innombrables points d’or, mêlés en tourbillon,