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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/48

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XLII
PRÉFACE

au charme prodigieux d’une poésie où la richesse infinie du vocabulaire semble une progression de nuances harmonieuses disposées autour de l’idée.

Lucrèce peint en véritable gourmet les jouissances du goût ; mais ce matérialiste, tout abject qu’il puisse être, ne s’appesantit pas sur le moindre de nos sens, qui se confond presque avec le toucher. Il ne s’arrête pas davantage à l’odorat, dont il reconnaît seulement la portée plus étendue (IV, 677, etc.).

Tous les sens procèdent du tact, mais à des degrés divers ; plus ils s’en rapprochent et plus il y a en eux de certitude ; mais plus ils s’en éloignent, plus le rapport qui s’établit entre eux et leur objet est indirect, plus alors leur sphère est étendue, et plus ils gagnent en noblesse, en valeur intellectuelle. Telles sont l’ouïe et la vue, la vue surtout, à laquelle nous empruntons les noms de la plupart des actes du sensorium commune, de l’esprit. Lucrèce y applique toute son attention, sans en pouvoir découvrir le mécanisme ; mais combien il s’approche de la vérité !

La langue, dit-il, articule, et la disposition des lèvres et des dents façonne la parole, qui est chose corporelle et traverse l’air, se déformant plus ou moins selon les obstacles et les distances (IV, 555).

En précisant un peu cette donnée ingénieuse, nous arriverions aisément à la transmission d’un mouvement aérien par des vibrations d’ondes sonores. Aussi n’y a-t-il guère à reprendre dans l’explication de l’écho, ce jeu des collines et des rochers, qui se renvoient dans les vallons solitaires des lambeaux