de phrases et des refrains perdus (IV, 584-593).
Rien de plus brillant que les vers consacrés à la vue (IV, 324-455). L’effet du soleil sur les yeux éblouis de taches colorées ; l’apparence, ronde à distance, des tours qui ne le sont pas ; cette ombre qui nous suit en imitant notre allure et que la lumière efface au fur et à mesure sans pouvoir le supprimer ; le navire en marche, immobile pour ceux qu’il emporte ; les astres, regardés comme fixes, bien qu’ils soient toujours en mouvement ; les colonnes des portiques, continuant de tourner aux yeux des enfants qui viennent de faire une pirouette ; les agencements de la perspective ; la rame rompue par le miroir de l’eau ; tous les phénomènes extérieurs de la vision semblent ainsi prodiguer, sans l’épuiser jamais, le trésor des expressions charmantes et saisissantes.
Nous savons que les images se forment sur notre rétine ; Lucrèce l’ignorait ; il les place en dehors, à peu près comme Platon faisait des idées. Il existe pour lui des simulacres, pareils à des pellicules impalpables détachées du contour extrême des objets, et qui, voltigeant çà et là, conservent l’apparence et l’empreinte des choses qui les ont émis. Ainsi les vapeurs, les fumées, les parfums s’exhalent des eaux, des flammes et des fleurs ; ainsi, du vélarium agité par la brise, tombe sur l’amphithéâtre un mobile reflet de pourpre, enveloppant la scène et la salle, vestales et sénateurs et statues des dieux (IV, 70-81). Ces simulacres, ces reflets, qui peut en nier la réalité ? La surface de l’eau ou du métal, un miroir, les arrête au