Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XLIV
PRÉFACE

passage (IV, 105). Allons, poëte, il n’y a plus qu’un mot à dire, mais tu ne le dis pas ! Faute d’avoir deviné que l’œil est un miroir conscient, Lucrèce rejette en dehors de nos sens, dans l’air, les opérations qui se font en nous.

Il n’y a pas, croit-il, que des images directes : il en est de médiates, fournies par des combinaisons spontanées, à peu près comme les figures variées des nuages (IV, 130-143) ; celles, par exemple, qui terrifient nos esprits, dans la veille ou dans le songe, ces fantômes, ces apparences de ceux qui ne sont plus. N’allez pas supposer, au moins, que ce soient des ombres échappées de l’Achéron, « ni qu’il subsiste de nous quelque chose après la mort, lorsque le corps et l’âme séparés se sont dissous en leurs éléments (IV, 37-45) ! Quand nous voyons des Centaures, des Scyllas, des Cerbères, c’est qu’il y a en suspension dans l’atmosphère des images de toute sorte, mêlées et confondues. Ce n’est certes pas la réalité vivante qui peut donner lieu à la vision d’un Centaure ; il n’y eut jamais d’animal ainsi fait ; seulement il arrive que les images d’un cheval et d’un cavalier se rencontrent et se superposent en une seule (IV, 736-746). »

Reportez dans le cerveau ces associations d’idées et d’images, et vous aurez une heureuse et vive peinture des procédés que la mémoire emploie pour créer et nourrir l’imagination. Les simulacres qui nous entourent à l’état de veille nous suivent dans le repos : nous les emportons avec nous : ils sont donc en nous. Comment les percevoir quand l’œil est fermé ? Ici