Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/192

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Il naquit au château de Miromesnil qui n’appartenait pas à sa famille, mais que Mme de Maupassant avait pris en location. Après ses couches, elle alla s’installer à Étretat, et c’est dans ce village, si mondain durant l’été, mais en toute autre saison si solitaire, que Guy passa ses jeunes années. Il y vivait en honnête commerce avec les pêcheurs, s’embarquant sur leurs bateaux, bravant le mauvais temps, escaladant les falaises, s’élargissant les poumons à respirer les brises salines. Il acquit, à ces exercices, une vigueur physique incomparable. Et sans doute les préférait-il aux leçons de grammaire et d’arithmétique que lui donnait le curé d’Étretat, aidé de

    moderne ; il parlait couramment le patois normand et cette connaissance du langage l’a certainement aidé à pénétrer l’âme de ce peuple de pêcheurs et de paysans qui lui a inspiré tant de belles œuvres ; une bonne part de son étude de l’âme humaine, il l’a faite sur ces sujets simples où les sentiments ne savent pas se masquer. Sa mère lui apprenait à regarder. La nature, comme les hommes, se prêtait admirablement à développer la qualité supérieure qu’il avait de voir et de sentir ; les prairies normandes, la mer, les falaises créaient dans cet esprit un fond de perceptions qu’il devait retrouver par la suite ; peu à peu, pour ainsi dire, la palette se chargeait des plus riches couleurs, et Flaubert, plus tard, devait lui apprendre à les mettre en œuvre. La Normandie et sa mère ont été ses premiers éducateurs ; c’est à elles qu’il pouvait dire :

    Tu sei lo mio maestro e lo mio autore,
    Tu sei solo colui da cui io tolsi
    Lo bello stile che m’ha fatto onore.

    [A. L.].