Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/196

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un verre de cidre pour le remercier de cette parole. Puis elle gronda son garnement de fils, puis elle lui ouvrit ses bras. Guy s’y jeta en pleurant d’un œil, en riant de l’autre, heureux d’avoir reconquis sa liberté. Quand leurs effusions furent terminées, sa mère lui dit : « Maintenant, mon garçon, tu vas entrer comme pensionnaire au lycée de Rouen ». Il n’était pas libéré, mais il changeait de prison. Il n’en demandait pas davantage.

À Rouen, Guy fut un écolier consciencieux. Louis Bouilhet, à qui Mme de Maupassant l’avait recommandé, veilla sur lui avec tendresse. Il se garda de le détourner de la vocation lyrique, il l’y affermit, au contraire ; il lui prodigua les conseils de sa vieille expérience et lui apprit les plus subtils secrets de la versification. Ces exhortations donnèrent naissance à un copieux discours en deux cents alexandrins que Maupassant improvisa pour la Saint-Charlemagne et qui eut l’honneur d’être déclamé au dessert devant les professeurs assemblés. La même année Maupassant affronta avec succès les épreuves du baccalauréat. S’il n’avait écouté que son plaisir il eût versifié les sujets de composition. Louis Bouilhet avait lieu d’être fier de ce disciple, qui lui semblait destiné à composer dans l’avenir une nouvelle Conjuration d’Amboise. La guerre de 1870 les arracha à ces occupations pacifiques. La ville fut envahie, Guy s’enrôla et marcha contre les Prussiens. Et il recueillit, pendant la campagne, les impressions dont il devait, plus tard, tirer un merveilleux parti. Il rencontra