Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/197

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en chemin l’héroïne de Boule-de-Suif et Mlle Fifi qui n’étaient qu’une seule et même personne. Mme de Maupassant m’a raconté sa fin lamentable :

— L’infortunée est morte dernièrement, sans ressources. Il y en a qui prétendent qu’elle s’est tuée, n’ayant plus le courage d’endurer la misère. J’ai été trop tard informée de sa situation, sans quoi je lui eusse porté secours. Certaines gens m’auraient blâmé de m’entremettre auprès d’une créature de son espèce. Mais j’aurais accompli mon devoir. En somme, cette fille a eu dans sa vie, une heure sublime. Et mon fils lui devait bien quelque chose !

Pauvre Fifi ! Avoir eu tant de réputation, et s’éteindre obscurément ! Se peut-il que la chaleur d’âme, la gaieté dans la bravoure, ces qualités françaises soient si mal récompensées ! Les stupides bourgeois que la malheureuse fille avait sauvés se sont engraissés dans les richesses et elle a roulé au ruisseau, sans qu’une main compatissante l’ait aidée. Quel dénouement, quel épilogue pour le chef-d’œuvre de Maupassant ! Ceci prouve combien l’art de Maupassant est proche voisin de la vie, puisque la vie se confond avec lui et le complète...[1].

  1. M. Brisson donne Fifi et Boule-de-Suif comme la même personne ; ce ne peut être qu’un lapsus : Fifi est un officier prussien. Si Boule-de-Suif reparaît sous un autre nom dans Mademoiselle Fifi, ce ne peut être que sous le nom de Rachel, la fille qui tue Fifi. L’erreur est grave et a vivement contrarié Madame de Maupassant. Elle m’a fait prier de la rectifier dans mon ouvrage. [A. L.].