Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/199

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de Guy, une ravissante enfant, la seule consolation qui me reste en ce monde...

Quand donc l’intelligence du romancier a-t-elle commencé à s’altérer ? J’hésite à engager Mme de Maupassant dans ces confidences trop douloureuses. Mais elle va au devant de ma question ; et quoique ces souvenirs la déchirent, elle me les livre sans restriction. Elle tient à dissiper toute équivoque.

— Je vous jure que Guy n’a ressenti aucun trouble avant la maladie de son frère Hervé, Hervé avait été frappé d’une insolation qui détermina, chez lui, des désordres cérébraux. Guy suivit les progrès de cette affection purement accidentelle. Et lorsque Hervé mourut il fut très impressionné. Il tomba dans un sombre découragement. On a voulu voir dans le Horla comme une première manifestation de la folie. C’est encore une erreur, le Horla n’est que la fantaisie d’une puissante imagination. Et Guy était en pleine santé quand il l’a écrite. Au contraire, son volume Sur l’eau, qui suivit la maladie de son frère, trahit une grande inquiétude...

Un soir, la mère et le fils dînaient ensemble dans leur petite maison de Cannes[1] et devisaient paisible-

  1. Ce n’est pas à Cannes qu’a eu lieu le dernier dîner de famille, le 1er janvier 1892, mais à Nice, chez Madame de Maupassant, à la Villa des Ravenelles, 140, Rue de France. Quand il comprit l’épouvantable vérité, Guy de Maupassant ne remonta pas dans sa chambre ; il appela son valet