Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/211

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les étoiles, ils écoutent les murmures de la brise, leurs mains s’étreignent, leurs yeux s’emplissent de pleurs :

Tout vivait, tout tremblait, tout parlait dans les bois
Et le grillon sous l’herbe et la brise plaintive
Et l’arbuste et le flot qui caresse la rive
Et tous ces bruits divers ne formaient qu’une voix.
Tous deux nous écoutions et nous versions des larmes,
Quand on va se quitter l’amour à tant de charmes.
Mais de cette belle soirée
Et de ma maîtresse adorée
Que restait-il le lendemain ?
Seul le pâtre de grand matin
En conduisant au pâturage
Son grand troupeau, vit sur l’herbage
Les quelques gouttes de nos pleurs
Seules marques de nos douleurs,
Mais il les prit pour la rosée
« L’herbe n’est pas encore séchée ».
Se dit-il en pressant le pas,
Hélas il ne soupçonna pas
Que de chagrins et de misères
Cachait cette eau sur les bruyères
Et ses brebis qui le suivaient
Broutaient les herbes et buvaient
Nos pleurs sans arrêter leur course.
Mais rien n’en a tari la source.

Ces vers candides ne sont pas dépourvus de charme. Ils arrivent à la grâce, par leur ingénuité. En les écrivant, Maupassant se croyait le plus malheureux des rhétoriciens. Il se consola - aucune douleur n’est éternelle - en se ruant la plume à la main sur d’innombrables sujets. Tout lui était matière à