Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/213

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Il frappe pour guérir ; l’homme est toujours brutal
Il faut la main légère et douce, sans faiblesse
Qui jusqu’à la racine, aille chercher le mal ;
L’amitié d’une mère est trop haute et trop sainte
On garde son amour pour les plus grands malheurs
Il faut le médecin auquel on dit sans crainte
La secrète blessure où germent « nos douleurs ».
Heureux, heureux celui qui peut verser son âme
Ses inspirations, esprits, rêves joyeux.
Chagrins et pleurs enfin dans le sein d’une femme
Fleuve où l’on boit des maux l’oubli mystérieux.

Je ne puis dire si celle à qui s’adressait cette prière en fut émue et si elle consentit à panser la blessure du poète. Maupassant n’ignorait pas que la mélancolie réussit auprès des femmes, bien qu’il usât généralement pour les séduire d’autres moyens.

Après la guerre, ayant été pourvu d’un emploi au Ministère de la marine, il vient se fixer à Paris. Nous touchons ici à l’évolution définitive de ses idées et de son talent. Il apportait de sa province ainsi que la plupart des jeunes gens qui cherchent leur fortune dans les lettres, une malle toute pleine de poèmes ; il caressait le rêve de conquérir l’admiration de M. Lemerre, éditeur du Parnasse. Fort heureusement il rencontra en chemin la sollicitude de Flaubert ; le rude professeur l’arracha à la contemplation des étoiles, le ramena sur la terre ; il pénétra la vocation de ce gars normand qui n’était pas fait pour soupirer des romances ; il le nourrit de ses théories, ce qui était un moyen plus efficace ; il agit sur lui par l’exemple, il lui communiqua ses scrupules et lui apprit l’art d’observer la vie et d’en fixer les nuances. Maupas-