Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/224

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toute espèce de théorie. Maupassant prétendait n’écrire que pour vivre.

... Comme les autres naturalistes, Maupassant peint toujours ce qu’il a vu. D’abord, la Normandie natale ; ensuite, Paris et le monde des employés de ministère, celui de la littérature et des journaux, celui de la galanterie ; puis, à la fin, le grand monde ; par intervalles, ce qu’il put observer dans quelques villégiatures, dans ses voyages en Algérie et en Italie... Il n’invente presque rien, il ne fait que traduire. Nous savons comment s’appelait de son vrai nom tel des personnages qu’il nous présente, en quel lieu s’est passée telle histoire qu’il nous raconte... Passif et neutre, Maupassant représente les choses vues avec une parfaite exactitude.

... Il est absolument impersonnel... Nul autre sentiment chez lui que le plaisir de retracer les êtres qui passent dans le champ de sa vision. Il les retrace, exempt d’amour et de haine, avec une fidélité tout objective, sans que leurs peines ou leurs joies l’émeuvent, sans qu’aucune platitude l’écœure, sans qu’aucune vilenie l’indigne.

... Le style de Maupassant est la perfection même. Mais cette perfection n’a rien que de naturel et d’aisé... Aucune trace chez lui de ce qu’on appelle l’écriture artiste... Rien de rare, rien d’exquis, rien de « particulier » - ... Ne disons pas seulement qu’il est net ; il est transparent.

Quelques années avant sa mort, une maladie lui troubla d’abord la raison, et, bientôt, la lui fit perdre. Nous venons de peindre un homme sain et robuste. Pour être naturaliste, il faut avoir tous les organes