Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/257

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aux parois de la côte abrupte de Canteleu. Au bord de l’eau, une longue terrasse plantée de tilleuls. C’était l’allée docte, comme disait Flaubert, où l’on peut se promener sans regarder à ses pieds, en combinant, au rythme de la marche, des phrases cadencées. Et seul, au milieu du parterre, bien plus haut que les grands toits, montait un gigantesque tulipier. Ses racines plongeaient dans la terre plus fraîche. Le fleuve et le ciel se mêlaient à travers sa verdure mouvante ; et le poète de Salammbô se plaisait à voir, aux fins d’automne, les larges feuilles d’or voler, tourbillonner et s’amonceler sur la berge, éclatantes et nombreuses comme les statères, les sicles et les mines du trésor d’Hamilcar Barca.

« C’est là, dans le vaste cabinet de travail aux cinq fenêtres ouvertes sur les jardins et sur la Seine, que je vis, en pleine lumière, pour la première fois, le hardi jeune homme dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire. Ses yeux d’un brun clair brillaient dans sa face colorée. Sa bouche, sous la moustache fauve, riait. De taille moyenne, à la carrure athlétique, il était d’aspect vigoureux et sain. Et je crus voir un de ces beaux étalons qui foulent d’un sabot solide l’herbage normand.

« Guy de Maupassant était né au château de Miromesnil, près de Dieppe, le 5 août 1850, au lever du soleil. Il passa son enfance à Grainville et à Étretat, commença ses études au collège d’Yvetot et les vint achever au lycée de Rouen. Son oncle, Alfred Le Poittevin, avait été l’ami bien-aimé de Flaubert, qui lui a dédié la Tentation de Saint-Antoine. Le jeune Guy hérita de cette amitié qui lia