Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/280

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la synthèse où l’être humain essaie de se résumer, il ne peut échapper aux conditions nécessaires du « vouloir vivre » : au fond du pessimisme, Maupassant avait trouvé la pitié... ».

« À mesure qu’on pénètre dans son œuvre, on discerne mieux cette compassion pour tous ceux que domestiquent et accablent les fatalités physiques, les cruautés humaines ou les criminels hasards de l’existence. C’est une tendresse contenue, une tendresse égalitaire, niveleuse, qui ne demande ses papiers à personne, qui ne s’enquiert ni de l’origine des misères, ni de leur qualité, une tendresse aussi secourable pour le vagabond Jacques Ravenel que pour Olivier Bertin, secourable à Boule-de-Suif comme à Mme de Guilleroy.

« Et il plaindra toutes les douleurs, douleurs morales et douleurs physiques, la pauvreté et les abandons, les adieux et la maladie : il se penchera sur le cœur des mères déchirées par l’ingratitude des enfants, sur le supplice des réprouvés et des infâmes ; il s’apitoiera sur la blessure des trahisons, sur la mélancolie des vieillesses et l’amertume des existences manquées.

« Et cette charité parfois hautaine ne s’inspirera d’aucune religion, d’aucun mysticisme : elle sera simplement et largement humaine. C’est l’être universel qui émeut Maupassant ; plus la victime est humble, plus elle est inconsciente, et plus généreusement il épouse sa souffrance ; sa fraternité embrasse les bêtes et les gens. Il écrit quelques années avant sa mort : "Je suis très près de la nature, j’aime l’être, l’être qui vit misérablement, qui pleure, qui souffre, qui se débat sans comprendre. J’aime la bête, l’homme