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le mur du jardin. Le lendemain, François ayant peur que pareil incident ne se renouvelât et qu’un malheur ne se produisît, crut prudent d’enlever les balles du pistolet, puis il remit l’arme dans le tiroir où son maître avait coutume de la ranger.

Le 1er janvier 1892 arriva. Maupassant se sentit, ce matin-là, assez malade pour ne pas vouloir sortir. Son domestique pensa bien faire en l’encourageant à aller souhaiter la bonne année à Mme de Maupassant mère qui habitait Nice. Durant le déjeuner[1], Guy eut des absences : à plusieurs reprises il parla sans suite. Déjà le fil de ses idées semblait rompu. Cependant on ne s’inquiéta pas autour de lui, et bien qu’il fût dans un état évident de surexcitation nerveuse on le laissa retourner à Cannes.

Dès ce moment François qui l’avait accompagné eut la sensation très nette que le mal empirait. À peine arrivé chez lui, Maupassant se sentant faible voulut immédiatement se coucher ; son domestique, malgré le désir qu’il avait de le veiller, ne put rester auprès de lui, Guy le renvoya. Qu’advint-il pendant la nuit ? Hélas ! il n’est pas difficile de le deviner. Quelques mois auparavant Maupassant avait dit au Dr Frémy : « Ne croyez-vous pas que je m’achemine vers la folie ? » Le docteur m’avoua plus tard que, dès cette époque, il avait constaté le progrès de la paralysie générale ; pourtant, il protesta : « Si cela était, mon cher », reprit Maupassant, « il faudrait me le dire. Entre la folie et la mort, il n’y a

  1. Ce fût au dîner. [A. L.]