Page:Luxembourg - Réforme ou révolution ? Les lunettes anglaises. Le but final.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais ce qu’on est en droit de déduire de l’idée générale que nous nous sommes faite de l’organisation de la social-démocratie, c’est que l’esprit de cette organisation comporte, notamment au début du mouvement de masse, la coordination, l’unification du mouvement, mais nullement sa soumission à un règlement rigide. Et, pourvu que le Parti soit pénétré de cet esprit de mobilité politique que doivent compléter une sévère fidélité aux principes et le souci de l’unité, on peut être sûr que l’expérience pratique corrigera les incongruités du statut, si malheureuse que puisse être sa rédaction. Car ce n’est pas la lettre, mais l’esprit vivant dont les militants actifs la pénètrent, qui décide de la valeur de telle ou telle forme d’organisation.


II


Jusqu’ici, nous avons examiné le problème du centralisme du point de vue des principes généraux de la social-démocratie et en partie sous l’aspect des conditions particulières à la Russie. Mais l’esprit de caserne de l’ultra-centralisme préconisé par Lénine et ses amis n’est pas le produit d’errements fortuits : il se rattache à la lutte contre l’opportunisme, poussée par Lénine jusque sur le terrain des plus minutieux détails de l’organisation.

Il s’agit, dit Lénine (p. 52) « de forger une arme plus ou moins tranchante contre l’opportunisme. Et l’arme doit être d’autant plus efficace que les racines de l’opportunisme sont plus profondes ».

De même, Lénine voit dans les pouvoirs absolus qu’il décerne au Comité central et dans le mur qu’il élève autour du Parti, une digue contre l’opportunisme dont les manifestations spécifiques proviennent, à son avis, du penchant inné de l’intellectuel vers l’autonomisme et la désorganisation, de son aversion à l’égard de la stricte discipline et de tout « bureaucratisme » pourtant nécessaire dans la vie du Parti.

D’après Lénine, ce n’est pas chez l’intellectuel, demeuré individualiste et enclin à l’anarchie, même quand il a adhéré au socialisme, qu’on rencontre cette répugnance à subir l’autorité absolue d’un Comité central, tandis que le prolétaire authentique puise dans son instinct de classe une espèce de volupté avec laquelle il s’abandonne à la poigne d’une direction ferme et à toutes les rigueurs d’une discipline impitoyable. « Le bureaucratisme opposé au démocratisme, dit Lénine, cela ne signifie pas autre chose que le principe d’organisation de la social-démocratie révolutionnaire opposé aux méthodes d’organisation opportunistes » (p. 151). Il insiste sur le fait que le même conflit entre tendances centralisatrices et tendances autonomistes se manifeste dans tous les pays où s’opposent socialisme révolutionnaire et réformisme. Il évoque en particulier les débats que suscita dans la social-démocratie d’Alle-