Page:Luzel - Cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne, 1873.djvu/18

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chacune une seulement. Mais laissons-les, un moment, et retournons au cadet.

La vieille femme, la mère de l’aigle, vint à lui, et lui dit :

— Rends son épée à mon fils (car il ne s’était pas dessaisi de l’épée enchantée), et il te fera sortir d’ici, et te ramènera dans ton pays.

Il rendit l’épée, à cette condition, et l’aigle le prit alors sur son dos, et, s’élevant avec lui dans le puits, il le ramena à l’ouverture supérieure. Puis, avant de s’en retourner, il lui dit de lui arracher une plume de la queue, de l’emporter et de l’approcher du feu chaque fois qu’il aurait besoin de secours, et il arriverait aussitôt. Le cadet arracha une plume à la queue de l’aigle et l’emporta. Puis il entra dans la ville, vêtu comme un mendiant. Il logea chez un maréchal ferrant. Il s’enquit des nouvelles de la ville ; on lui dit qu’il n’était bruit, pour le moment, que des deux fils aînés du roi, qui avaient conquis sur un enchanteur des princesses d’une beauté merveilleuse avec lesquelles ils étaient sur le point de se marier ; mais les princesses y mettaient pour condition qu’on leur procurât, auparavant, des pantoufles semblables à celles dont elles avaient déjà chacune une seulement, et on ne trouvait nulle part d’ouvrier capable d’exécuter un pareil travail.

Le cadet livra au maréchal les trois pantoufles, l’une après l’autre, et lui dit de se présenter avec elles à la cour, comme étant lui-même l’ouvrier qui les avait fabriquées, et de demander dix mille écus de celle qui était d’acier, vingt mille de celle qui était d’argent, et trente mille de celle qui était d’or. Mais les princesses, ayant reconnu leurs pantoufles, firent rechercher celui qui les avait livrées au maréchal, et le cadet fut amené à la cour et reconnu par elles. Alors les trois princes épousèrent chacun une des trois princesses, le cadet ne voulant tirer aucune vengeance de la trahison de ses frères, et il y eut de grandes réjouissances et de grands festins.


Le conte semble terminé ici, quoiqu’il présente des lacunes. Ainsi le héros ne fait aucun usage, ni jusqu’ici, ni plus tard, de la plume qu’il a arrachée à la queue de l’aigle. Ce qui suit est une autre fable, et c’est, sans doute, arbitrairement et uniquement pour allonger son récit et en augmenter l’intérêt, que le conteur l’a ajoutée à la première. Je crois pourtant devoir donner le récit de mon conteur dans toute son étendue, et tel qu’il me l’a présenté, pour rester fidèle à mon rôle de collecteur exact et consciencieux.

L’aigle avait aussi recommandé au cadet de prendre garde au Corps sans âme, qui pouvait encore lui enlever sa femme. Et en effet, comme