Page:Luzel - Cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne, 1873.djvu/38

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— Misérable ! pendard ! tu as déshonoré mes filles  !

— Ah ! pour le coup, vous êtes en colère, monseigneur ! lui dit Février, tranquillement.

— Certainement, je suis en colère ; et qui ne le serait pas à ma place  ?

— Fort bien ; vous savez nos conventions  ? Il me faut cent écus, plus une lanière de votre peau, depuis le sommet de la tête jusqu’aux talons.

Et le seigneur fut obligé de payer de son argent et de sa personne. Alors Février retourna chez sa mère, ayant vengé son frère, et, quand il arriva, il y eut un petit festin de réjouissance.



Dans une autre version du même conte, ce sont trois frères qui tentent successivement l’aventure. Les deux aînés échouent, en laissant chacun une lanière de sa peau, comme Janvier. Le cadet leur rapporte leurs lanières, avec une troisième, enlevée au seigneur, et de plus, une forte somme d’argent. Quelques-uns des épisodes sont différents : ainsi le cadet est envoyé le premier jour garder un grand troupeau de bœufs dans un pré. Un marchand passe, allant à une foire, et il lui vend tous ses bœufs pour douze cents francs ; il y met seulement cette condition qu’on lui laissera la queue d’un d’eux.

Le marchand coupe la queue à un des bœufs et la lui donne, puis il part avec tout le troupeau, enchanté de son marché. Le cadet monte alors sur un arbre, avec la queue qui lui est restée, et là il se met à crier à tue-tête ;

— Au secours ! au secours, vite ! tous mes bœufs s’en vont au ciel  !

Le seigneur, qui se promenait dans les environs, l’entend et accourt.

— Qu’y a-t-il donc ? demande-t-il ; où sont les bœufs ?

— Ah ! mon bon seigneur, la singulière chose  ! imaginez-vous qu’ils se sont tous pris par la queue à la file les uns des autres, puis ils se sont élevés en l’air, comme s’ils avaient des ailes, et ont disparu  ! J’ai pu saisir la queue du dernier, et je la tiens encore ; montez vite sur l’arbre, pour tirer dessus avec moi, et peut-être pourrons-nous les faire descendre.

Le seigneur se hâte de monter sur l’arbre et il saisit aussi la queue et se met à tirer dessus. Mais le cadet lâche prise en ce moment, et le seigneur tombe par terre, tenant encore la queue et tout endolori de sa chute.