Page:Luzel - Cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne, 1873.djvu/51

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Ce petit conte suffira, avec Jean de Ploubezre, de mon troisième rapport, pour donner une idée des récits facétieux de nos paysans et faire apprécier la qualité du sel dont ils les assaisonnent ordinairement.

Le même conte se retrouve, sans différences bien sensibles, dans le recueil de M. Auguste Schleicher : Contes, proverbes, énigmes et chants de la Lithuanie.

Du reste, pour qu’on puisse juger de la ressemblance qui existe entre le conte breton et le conte lithuanien, je reproduis ici ce dernier :


Il y avait une fois un paysan et un seigneur qui firent un pari à qui mentirait le mieux, et ils mirent chacun pour enjeu cent écus. Le seigneur dit au paysan :

— Paysan, commence de mentir ! Le paysan dit :

— Les seigneurs commencent toujours ; pour mentir ils doivent donner aussi l’exemple.

Alors le seigneur commença de mentir, et il dit :

— Mon père avait un bœuf qui avait de si grandes cornes, que la cigogne aurait dû voler une année entière avant d’arriver de l’extrémité d’une corne à l’extrémité de l’autre.

Le paysan dit :

— Cela se peut. Le seigneur dit :

— Paysan, mens à ton tour.

Alors le paysan commença de mentir.

— Mon père sema des haricots, qui poussèrent jusque dans les nuages. Un paysan monta sur une des tiges. On la coupa, et il ne pouvait plus descendre. Il trouva pourtant là haut un tas de paille et des coquilles d’œufs, et il s’en fit une corde ; mais la corde était trop courte. Il coupa toujours en haut pour rajouter en bas, et il descendit ainsi jusque sur l’église. Par hasard il tomba sur une grosse pierre, et ses jambes y entrèrent jusqu’aux genoux. Alors il laissa là ses pieds et courut chercher une hache pour briser la pierre et les ravoir. Mais, quand il revint, il trouva un chien qui les mangeait, et, comme il le frappa avec sa hache, le chien laissa tomber un billet.

Le seigneur demanda :

— Et qu’y avait-il donc d’écrit  ? Le paysan dit :

— Sur le billet il y avait que ton père avait, chez les miens, gardé les porcs.