Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/22

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C’est aussi le sentiment de M. Adolphe Pictet, de Genève, et voici en quels termes il l’exprime : —

… « L’humanité et la nature sont sœurs (pour l’Indien) ; — filles d’un même principe, elles se mêlent sans cesse par une transformation mutuelle, et l’homme d’aujourd’hui, en rentrant par la mort dans les cinq éléments, peut renaître demain plante ou animal. De là, d’une part, cet esprit de douceur, de bienveillance, de commisération envers tous les êtres naturels qui caractérise à un si haut degré le génie indien ; et de l’autre, ce penchant à la sentimentalité contemplative qui jette une teinte de mélancolie sur la nature entière, et avec laquelle nous sympathisons mieux… qu’avec la manière simple, naïve, insouciante et joyeuse dont les Grecs considéraient le monde extérieur[1]. » —

Un autre caractère de nos contes bretons, c’est une tendre compassion pour les faibles et pour les malheureux. Les cadets, les disgraciés de la nature, bossus, boiteux, aveugles, les pauvres d’esprit, les innocents, comme ils les appellent, sont les héros ordinaires de nos conteurs, et, après une série de travaux prodigieux et d’épreuves surhumaines, ils parviennent toujours à déjouer les trames et les combinaisons les plus perfides, les plus infernales, de leurs ennemis, à triompher de la force brutale des géants stupides, comme des artifices et des magies des enchanteurs, des sorciers, du Diable, — en un mot, de tous les mauvais génies.

  1. — Étude sur l’Épopée indienne. — Revue de Paris. — 1er août 1856.—